
Dans un hangar du Consortium d’Entreprises du Sénégal (CSE), à Dakar, les machines sont à l’arrêt. L’entreprise, spécialisée dans les infrastructures publiques et religieuses, souffre de la chute des commandes et des impayés de l’État. Elle a réduit ses effectifs. Un an après l’arrivée de Bassirou Diomaye Faye, élu en avril 2024, les attentes socio-économiques restent insatisfaites.
Thank you for reading this post, don't forget to subscribe!Un ouvrier quadragénaire, sous couvert d’anonymat, montre une perceuse et une fraiseuse immobilisées. « Rien ne fonctionne », dit-il. Souleymane Camara, syndicaliste au CSE, alerte : « Depuis 11 mois, notre carnet de commandes a chuté de 140 milliards à 20 milliards FCFA. Nos effectifs sont passés de 3 000 à 1 700 employés. »
Porté par un élan populaire, Faye avait promis de rompre avec le « système du passé ». Sous Macky Sall (2012-2024), le Sénégal a lancé des projets ambitieux, financés par l’État mais souvent confiés à des entreprises étrangères. En 2024, le pays devient producteur de pétrole et de gaz. Mais la pauvreté et les inégalités persistent.
Un secteur du BTP en difficulté
Le secteur du BTP, représentant 6 % du PIB, est crucial pour l’économie. Mais le nouveau régime déçoit. « Les arrêts de chantiers ont durement frappé le secteur », affirme Kader Ndiaye, responsable patronal. Selon l’ANSD, le chiffre d’affaires de la construction a chuté de 2,6 % en 2024 par rapport à 2023. L’opposition déplore l’immobilisme sur de nombreux chantiers essentiels.
Les impayés de l’État, estimés à plus de 300 milliards FCFA, asphyxient le secteur. « Le BTP ne tient plus », avertit Ndiaye. L’audit foncier lancé par le gouvernement a gelé ou stoppé certains projets, notamment à Dakar. « Ces arrêts nous ont forcés à licencier ou mettre des employés en chômage technique », ajoute-t-il.
Le gouvernement a reconnu début mars « l’urgence d’accélérer l’apurement » de la dette et de relancer les chantiers inachevés.
Un héritage financier lourd
Fin janvier, le président Faye a dénoncé un « État aux marges budgétaires quasi inexistantes », imputant ce passif à l’ancien régime. Un rapport de la Cour des comptes du 12 février révèle que la dette atteint 99,67 % du PIB, bien au-delà des chiffres officiels sous Sall. Le déficit budgétaire de 2023 a été réajusté à 12,3 % contre 4,9 % annoncé, dégradant la note souveraine du pays.
Climat social tendu
Le 27 février, le Premier ministre Ousmane Sonko a appelé à un « pacte de stabilité sociale » face à la tension sociale. Il a promis des mesures, comme la réduction des dépenses de l’État et un audit de la fonction publique. Mais pour Ahmadou Aly Mbaye, économiste, la situation est complexe. « Le Sénégal traverse une crise internationale du financement du développement. Les ressources domestiques, les investissements étrangers et l’aide publique sont en difficulté. La dégradation de la notation complique tout », conclut-il.