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La crise de la dette au Sénégal : un exemple d’alerte ignorée

Des prévisions absurdes du FMI

À l’automne 2024, Ndongo Samba Sylla et moi avons dénoncé les prévisions du FMI sur l’inflation au Sénégal. Le FMI annonçait -13 % pour fin 2025 et +42 % pour fin 2026. Or, ces chiffres ignoraient le rattachement historique du franc CFA à l’euro. Ainsi, nous avons constaté que le FMI ne prêtait pas attention à ses propres chiffres. Que pouvait-il encore se passer ? Nous étions loin de nous douter de la suite.

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Des dettes massives révélées par les audits

Après le changement de gouvernement en avril 2024, des audits ont montré que le gouvernement avait emprunté depuis 2019 des montants dépassant de 40 % du PIB les niveaux annoncés par le FMI. De plus, le public sénégalais en était ignoré (voir graphiques). Par conséquent, cette situation pèsera sur le Sénégal pendant des générations.

Un précédent international inquiétant

Cette tempête de crédit, principalement locale, a échappé au personnel du FMI. Elle a coïncidé avec d’importantes découvertes d’hydrocarbures. Elle rappelle également un épisode similaire au Mozambique en 2016. En 2018, l’opposition avait déjà averti sur la falsification des données. Cependant, personne n’a agi.

La réponse du Parlement et du FMI

Pour garantir l’accès au marché, le FMI a demandé au Parlement de reconnaître rapidement ces dettes. Le Parlement a voté une loi de finances rectificative sans débat spécifique. Aucun fonctionnaire impliqué n’a été sanctionné. La plupart occupent encore leur poste et dissimulent leurs traces. L’ancien président Sall continue de circuler dans les cercles diplomatiques internationaux. De plus, le FMI n’a puni personne. Il a seulement relevé son objectif de solde primaire de deux points de pourcentage du PIB.

L’aléa moral et ses conséquences

Cette situation constitue un exemple flagrant d’aléa moral. Ainsi, les prêteurs, les responsables du FMI, les politiciens et les technocrates au Sénégal et au-delà comprendront qu’ils s’en tireraient à nouveau. En outre, les éloges du FMI sur la transparence du gouvernement témoignent de la même naïveté qui a facilité la catastrophe initiale.

Le précédent créé rend les institutions fiscales sénégalaises lourdement surendettées. Elles restent vulnérables à de nouveaux assauts. Par conséquent, les populations les plus pauvres en subiront les conséquences.

La nécessité d’une réforme urgente

Pour stopper cette débâcle, il faut mettre fin à la précipitation. Les employés du FMI ont négligé les vérifications essentielles, la diligence raisonnable et le bon sens élémentaire.

Le Sénégal devrait continuer à honorer ses autres dettes publiques. En parallèle, il doit « isoler » le stock de dettes non déclarées et suspendre leur remboursement jusqu’à un examen complet. Le gouvernement devrait, par ailleurs, annuler les créances des prêteurs illégaux et poursuivre les fonctionnaires ayant agi de manière illégale.

Une étude détaillée de l’usage des fonds — consommation publique ou privée, investissements, sorties de capitaux — pourrait, de plus, transformer radicalement les données historiques, y compris le PIB. Elle modifierait ainsi la compréhension de la macroéconomie du pays. Sans cette étude, aucune stratégie cohérente de gestion de la dette publique n’est possible.

Assurer la stabilité financière nationale

Si certaines dettes non déclarées sont annulées, le gouvernement doit calibrer l’impact sur les créanciers locaux. Il doit maintenir leurs fonds propres au-dessus des exigences réglementaires. Cette mesure assure la stabilité financière. Elle refroidira les créanciers potentiels, mais les incitera à prendre conscience des faiblesses des rapports financiers.

À l’international, le FMI et les juridictions étrangères doivent exiger une « transparence ex ante ». Aucun tribunal ne doit approuver un nouveau prêt sans soumettre tous les documents aux parlements locaux au moins 30 jours avant signature. Les accords de confirmation autonomes du FMI font exception.

Responsabilités et sanctions nécessaires

Il faut arrêter l’absurdité de voir l’ancien président Sall se pavaner sur la scène internationale. Il devrait être considéré comme un paria.

Le personnel du FMI doit garantir la véracité des données. Il ne doit pas se cacher derrière les assurances d’autrui. Qualifier cette situation de « fausse déclaration » constitue, en revanche, une dissimulation. Les directeurs du département Afrique et des affaires fiscales n’ont jamais relevé d’erreurs malgré des projections d’inflation absurdes et un déficit budgétaire colossal. De plus, ce déficit est aggravé par un plan fondé sur des données macroéconomiques intenables.

Pour rappeler que perdre de vue 40 % du PIB est inacceptable, la directrice générale du FMI devrait révoquer ces deux directeurs. Sinon, elle devrait assumer la responsabilité d’avoir toléré, voire encouragé, cet échec catastrophique.

Conclusion : un programme provisoire nécessaire

Il est crucial de mettre fin à la précipitation. Par conséquent, un programme provisoire du FMI pour le Sénégal, assorti de mesures de gel des dettes non déclarées, de responsabilité totale et de transparence ex ante, devient essentiel. Il permettra de sauver les institutions budgétaires du pays et, par voie d’exemple, du monde entier.

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