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Au lever du jour, la lumière douce se pose sur les minarets. Elle caresse les façades blanches et se glisse dans les ruelles animées. L’air est chargé d’encens, de chants et d’attente. Ainsi, des foules venues du Sénégal et du monde entier convergent vers la cité fondée par Cheikh Ahmadou Bamba. La procession tient plus de l’élévation que du simple déplacement. Ici, tout respire le recueillement. Pourtant, tout bouillonne d’activité : l’accueil, la cuisine, la logistique, le service.

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Le 18 Safar du calendrier hégirien, Touba célèbre le Grand Magal de Touba. Il commémore le départ en exil du fondateur du mouridisme, en 1895, vers le Gabon, sur ordre des autorités coloniales. Ce départ, que beaucoup auraient vu comme une humiliation, le Cheikh l’a vécu comme une offrande à Dieu. En effet, il l’a accepté comme une épreuve à traverser dans la paix, un chemin vers l’élévation spirituelle. Ce renversement du sens — l’épreuve comme grâce — est au cœur du Grand Magal de Touba chaque année.

L’islam a purifié le sacrifice des croyances anciennes. Il n’est plus un repas pour les idoles ou les esprits, mais un acte de piété pure. C’est-à-dire, un geste de gratitude envers Dieu. Comme le dit le Coran :

« Ni leur chair ni leur sang n’atteindront Dieu, mais c’est votre piété qui L’atteindra » (S22, V37).

Au Grand Magal de Touba, on immole non pour apaiser, mais pour remercier. Ce qui se donne n’est pas d’abord la chair de l’animal, mais la sincérité du cœur. Ensuite, le sacrifice se traduit en repas partagés. Ce geste dépasse la simple charité. Les tables se garnissent pour tous : le riche, le pauvre, le voyageur, l’hôte, le mendiant discret ou celui qui demande ouvertement. Chacun est convié. Le Magal est d’abord un festin offert à Dieu, servi à toute l’humanité.

Dans les maisons et les rues, on prépare le berndé. Ce sont de grands plats de viande et de riz pour les pèlerins. De plus, dans les mosquées et les espaces ouverts, on récite les Khassaïdes du Cheikh. Les marchands installent leurs étals, les chauffeurs conduisent des convois de pèlerins, et des bénévoles distribuent de l’eau glacée dans la poussière chaude. Ainsi, chaque geste est une offrande et chaque service un acte d’adoration.

Cheikh Ahmadou Bamba, dans Masâlik al-Jinân, rappelait que tout bien fait pour la Face de Dieu est une aumône, matériel ou immatériel. Serigne Saliou Mbacké précisait que la taille de l’animal sacrifié importe peu. Du chameau à la poule, seule l’intention compte. Par conséquent, cette règle fait du Magal une fête ouverte et accessible à tous. Personne n’est jugé sur la valeur matérielle de son offrande.

Le Grand Magal de Touba est l’un des plus grands rassemblements religieux d’Afrique de l’Ouest. Chaque année, il attire entre quatre et cinq millions de fidèles. Il mobilise d’énormes ressources en un temps très court : tonnes de vivres, milliers de véhicules, dispositif sanitaire et sécuritaire exceptionnel. Cependant, cette organisation titanesque repose sur un moteur unique : la foi.

Ici, l’hospitalité n’est pas un devoir social, mais une obligation spirituelle. Les portes restent ouvertes, les cuisines fonctionnent jour et nuit. On s’empresse de servir celui qui arrive, car servir le pèlerin, c’est servir Dieu. Ainsi, cette générosité totale est le cœur battant du Magal.

Quand la nuit tombe, Touba prend une autre dimension. Les minarets éclairés se dressent comme des phares. Les récitations continuent et les prières montent vers le ciel. Les visages fatigués par la route ou le service brillent d’une joie profonde. En somme, c’est la joie de participer à un acte d’amour collectif.

Le Grand Magal de Touba n’est pas seulement une date du calendrier musulman. C’est une alliance renouvelée, car elle illustre qu’un peuple, par l’exemple de son guide, affirme que la gratitude envers Dieu peut transformer l’exil en victoire, le sacrifice en joie et la foule en une seule âme tournée vers le Créateur

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